17 juin 2019 - Les partisans d’une loi sanctionnant l’antisionisme ont perdu la bataille. C’est pourquoi ils se tournent vers la « définition de l’antisémitisme par l’IHRA », un texte aussi indigent que dangereux, car il peut servir à faire taire toute critique de la politique israélienne.
Le député Sylvain Maillard, vice-président du groupe France-Israël, ami des colons de Cisjordanie, tente de faire de la définition de l’IHRA une résolution de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi Dominique Vidal et Bertrand Heilbronn, le président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), ont pris l’initiative de cette lettre-pétition adressée aux députés :
Les résultats des élections européennes l’ont confirmé : la percée nationaliste va partout de pair avec une poussée de xénophobie, de racisme et d’antisémitisme. En France aussi, cette question se pose avec gravité. Certes, presque tous nos compatriotes voient désormais dans les Juifs « des Français comme les autres ». Mais nombre d’entre eux partagent des préjugés à leur égard. Et, année après année, on recense plusieurs centaines d’actes de violences antisémites. Pis, onze Français juifs ont été assassinés depuis 13 ans.
C’est dire que le combat contre l’antisémitisme, comme contre tous les racismes, doit être mené avec force et vigilance. Il est donc trop sérieux pour être laissé à des politiciens dont les arrière-pensées sont évidentes.
Ainsi le député LREM Sylvain Maillard. Président du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur l’antisémitisme, il est aussi vice-président du groupe d’amitié France- Israël. Et, chez lui, cette amitié va surtout aux colons juifs de Cisjordanie : il vient de participer, le 28 mai, en compagnie des députés Meyer Habib et Claude Goasguen, à une réunion avec le président du Conseil régional de « Samarie ». Faut-il rappeler que tous les gouvernements français depuis 1967, conformément au droit international, condamnent la colonisation des territoires occupés et exigent qu’Israël s’en retire afin que puisse y voir le jour un État palestinien ?
Voilà qui éclaire les tentatives répétées de Sylvain Maillard. Le 18 février dernier, il annonce qu’il va faire voter une loi pour interdire l’antisionisme, au risque de créer ainsi un délit d’opinion dans la loi française. Dès le lendemain, le président de la République le désavoue : « Je ne pense pas que pénaliser l’antisionisme soit une bonne solution. » Et le président de l’Assemblée nationale explique : « Prendre une loi qui pourrait laisser entendre que critiquer la politique d’Israël pourrait être assimilé à un délit va poser des problèmes, (créer une) discussion interminable qui, à la fin, pourrait nuire à la juste cause qu’est la lutte contre l’antisémitisme. »
Le surlendemain, au dîner du CRIF, Emmanuel Macron annonce que la France va « appliquer » la définition de l’antisémitisme adoptée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste comme « une certaine perception des Juifs, qui peut s’exprimer comme de la haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques d’antisémitisme visent des individus juifs ou non juifs ou/et leurs biens, des institutions et des lieux de culte juifs ». À cette définition indigente s’ajoute une série d’« exemples », présentés comme des « illustrations ». L’un d’entre eux estime notamment que « l’antisémitisme peut se manifester par des attaques à l’encontre de l’État d’Israël lorsqu’il est perçu comme une collectivité juive. Cependant, critiquer Israël comme on critiquerait tout autre État ne peut pas être considéré comme de l’antisémitisme. »
Mais quel autre État occupe et colonise depuis plus de cinquante ans des territoires conquis par la force, en violation d’innombrables résolutions de l’ONU ?
Sylvain Maillard ne se résigne pas. Sorti de l’Assemblée par la grande porte, son projet revient le 26 mai par une petite fenêtre comme une proposition de résolution « visant à lutter contre l’antisémitisme », soumise au vote des députés. Au-delà d’un exposé des motifs très contestable dans lequel l’accroissement des actes antisémites est mis sur le compte de « l’antisionisme », l’article unique de cette proposition de résolution vise à faire la promotion de la « définition » de l’IHRA qu’il « approuve sans réserve » !
Prévu le 29 mai, le débat sur ce texte a été reporté. Raison de plus pour y réfléchir à deux fois. Même sous forme d’une résolution sans valeur contraignante, les députés français ne doivent pas la voter : sous couvert de lutte contre l’antisémitisme, elle ne vise en fait qu’à limiter la capacité de critiquer la politique israélienne, et à soutenir la politique de la droite et de l’extrême droite israéliennes incarnées par Benyamin Netanyahou.
La lutte sincère contre l’antisémitisme et le racisme sous toutes ses formes mérite mieux que ces manœuvres indignes. Nous n’acceptons pas que ce juste combat soit détourné au service de la politique de l’État d’Israël, qui viole tous les jours le droit international et les droits de l’Homme, qui poursuit et accélère sa politique de colonisation, et qui a fait adopter en juillet 2018, dans sa loi fondamentale, des conceptions ouvertement racistes, suprémacistes et discriminatoires.
Plus de 1 500 acteurs de la société civile ont déjà signé cette lettre-pétition. Parmi eux, ces 100 personnalités :
Gadi Algazi, professeur à l’université de Tel-Aviv
Dauba Altman, secrétaire de l’UJRE/PNM
Paul Ariès, politologue,
Isabelle Avran, journaliste
Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po
Danièle Bidard-Reydet, sénatrice honoraire
Didier Billion, chercheur en relations internationales
Francis Blanchet, président du CVPRPO
Pascal Boniface, géopolitologue
Alain Bosc, chargé d’Israël-Palestine à la Cimade
Nicole Bouexel, membre du Conseil national, Mouvement de la Paix
Isabelle Bourboulon, journaliste
Bachir Boukhzer, directeur de l’AIOF
Yves Boulanger, maire de Vanosc
Jean-Michel Boulmé, président de la Libre Pensée de Bourg-en-Bresse
Myriam Bouregba, coordinatrice de l’atelier Israël-Palestine du GAIC
Rony Brauman, directeur d’études, Fondation Médecins sans frontières
Jacqueline Bravo, professeure retraitée
Jean Bretèche, ambassadeur retraité
François Burgat, professeur
Maurice Buttin, avocat honoraire, président d’honneur du CVPR-PO
Gilbert Cabasso, professeur de philosophie
Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des universités
Françoise Chanial, secrétaire des Amis de la Terre Poitou
Monique Chemillier-Gendreau, professeure émérite Paris-Diderot
Alexis Chevallier, metteur en scène
Ali Chibani, journaliste
Jean-Louis Comolli, cinéaste, écrivain
Sylvain Cypel, journaliste
Sonia Dayan-Herzbrun, professeure émérite Paris-Diderot
Anne-Marie Déan, porte-parole du MAN
Michèle Decaster, secrétaire générale de l’AFASPA
Léon Deffontaines, secrétaire général du Mouvement des JC
Marc Deger, journaliste
Lucien Degoy, journaliste
Sylvie Déplus, présidente des Amis d’Al-Rowwad
Philippe Deschamps, journaliste
Marcel Drach, économiste, Paris IX
Bernard Dreano, président du Cedetim
Françoise Dumont, présidente d’honneur de la LDH
Mireille Fanon Mendès-France, présidente de la fondation Franz Fanon
Gérard Fay, universitaire
José Fort, journaliste
Jean-Louis Foucaud, représentant du CCFD à Plateforme 44
Jean Francheteau, vice-président du CVPR-PO
Carlos Gabetta, journaliste
Jean Giard, ancien député, Une autre voix juive (UAVJ)
Béatrice Giblin, directrice de la revue « Hérodote »
Dominique Grange, chanteuse
Alain Gresh, journaliste, directeur d’Orient XXI
Serge Grossvak, mouvement Juif Autrement
Pascale Hassoun , psychanalyste
Bertrand Heilbronn, président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS)
Patrick Hubert, porte-parole du MAN
Pierre Hunt, ancien ambassadeur de France
Daniel Junqua, journaliste honoraire
Jacques Kalifa, membre du bureau du CJPP5
Pierre Khalfa, économiste, membre du Conseil scientifique d’Attac
Daniel Kupferstein, réalisateur
Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers
Jean-Claude Lefort, ancien député, président d’honneur de l’AFPS
Nathalie-Denise L’Hopitault, présidente du CPPI Saint-Denis
Gérard Larose, Secrétaire général de l’AFPS,
Renée Le Mignot, co-présidente du MRAP
Claude Léostic, ancienne présidente nationale de la Plateforme Palestine
Jacques Lewkowicz, professeur honoraire des universités
Philippe Leymarie, journaliste
Roland Lombard, directeur de recherche retraité, CICUP
Nadège Magnon, adjointe au maire de Nanterre
Gilles Manceron, historien, LDH
Farouk Mardam Bey, éditeur
Roger Martelli, historien
Hafid El-Medaoui, géographe
Michel Ménard, ancien député et conseiller départemental Loire-Atlantique
Emmanuelle Morau, journaliste
Josiane Olff Nathan, vice-présidente de la fondation Paul K. Feyerabend
Dominique Poirout, adjoint au maire de Rezé
Bernard Ravenel, agrégé d’histoire
Jean-Baptiste Rieunier, maire-adjoint de Nogent-sur-Oise
Barbara Romagnan, ancienne députée du Doubs
Alain Ruscio, historien
Malik Salemkour, président de la LDH
Shlomo Sand, historien, professeur émérite de l’Université de Tel-Aviv
Jean-Claude Sauzet, prêtre catholique
Jérôme Segal, maître de conférence Paris-Sorbonne
Geneviève Sellier, professeure
Leila Shahid, ancienne ambassadeur de Palestine en France et auprès de l’UE
Denis Sieffert, journaliste
Danièle Simonnet, coordinatrice du PG à Paris
Marie-Claude Slick, journaliste
Pierre Stamboul, dirigeant de l’Union juive française pour la paix (UJFP)
Pierre Tartakowski, président d’honneur de la LDH
Taoufiq Tahani, président d’honneur de l’AFPS
Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac
Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH
Marie-Christine Vergiat, députée européenne (2009-2019)
Michel Vial, président fondateur de l’association nationale Résister Aujourd’hui
Dominique Vidal, journaliste et historien
Louis Weber, éditeur
Guillaume Weill-Raynal, ancien avocat, écrivain.
Pour en savoir plus :
Sur la proposition de résolution déposée à l’Assemblée nationale :
Vous pouvez télécharger le texte de la proposition de résolution sur le site de l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/1...
Sur le contexte de cette proposition de résolution, et notamment la réunion à laquelle le député Sylvain Maillart a participé avec le lobby des colons (le « conseil régional de Samarie ») : http://elnetwork.fr/rencontres-stra...
Sur la « définition IHRA » de l’antisémitisme :
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