Le 24 novembre 2016, le Ministère de l’Économie a publié un avis aux opérateurs économiques relatif à l’indication de l’origine des marchandises issues des territoires occupés par Israël depuis juin 1967, plus d’un an après que la Commission européenne ait demandé aux Etats membres d’appliquer un étiquetage différencié des produits provenant des colonies israéliennes.
Où en est-on sur l’étiquetage en France des produits des issues des colonies israéliennes en territoire palestinien ou syrien ? Pourquoi étiqueter ? Comment s’assurer qu’un étiquetage correct est bien mis en place dans nos supermarchés ? Etc. Quelques réponses ici.
En vertu du droit international, les colonies israéliennes sont illégales et l’Union européenne ne reconnaît pas la souveraineté d’Israël sur les territoires qu’il occupe depuis le mois de juin 1967 soit le plateau du Golan, la bande de Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est.
Par ailleurs, le droit européen impose la mention de l’origine sur certains produits importés dans l’Union européenne. L’indication de l’origine doit être correcte et ne doit pas induire le consommateur en erreur.
Néanmoins, la société civile a soulevé le fait que de nombreux produits (agricoles notamment) provenaient des colonies israéliennes mais apparaissaient dans leur étiquetage comme « produits origine Israël ».
Au niveau européen
Un ensemble de règlements européens imposent la mention de l’origine sur les produits importés dans l’Union européenne. Cette obligation concerne essentiellement les produits cosmétiques (règlement (UE) n° 1223/2009) et les produits alimentaires (essentiellement règlements (UE) n° 1308/2013 pour les fruits et légumes et le vin, et (UE) n° 1379/2013 pour le poisson) (1).
Sous la pression de la société civile, plusieurs chancelleries européennes – et particulièrement la France - ont poussé la Commission européenne à clarifier la législation européenne en la matière.
Par une communication interprétative du 11 novembre 2015, la Commission européenne est venue préciser la législation européenne sur plusieurs termes :
• L’indication des produits au sein de l’UE « doit être correcte et ne peut induire le consommateur en erreur »
• « Conformément au droit international, l’Union européenne ne reconnaît pas la souveraineté d’Israël sur les territoires qu’il occupe depuis le mois de juin 1967, à savoir le plateau du Golan, la bande de Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est »
• Ainsi, « l’indication « produit en Israël » est considérée comme fausse et susceptible d’induire en erreur » concernant les produits des colonies.
• La Commission recommande d’utiliser une expression telle que « colonie israélienne » ou un terme équivalent pour préciser l’origine des produits issus des colonies. Par exemple : « produit originaire de Cisjordanie (colonie israélienne) ».
• Certains produits n’ont pas l’obligation d’être étiquetés, mais peuvent l’être sur la base du volontariat (2). Dans ce cas, la mention indiquée doit être correcte et ne pas induire le consommateur en erreur.
• L’étiquetage devient en outre obligatoire « en ce qui concerne les denrées alimentaires, lorsque l’omission de cette information induirait le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit et, en ce qui concerne toutes les autres marchandises, lorsque des informations substantielles sont omises dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et que, du fait de leur omission, celui-ci est amené ou est susceptible d’être amené à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ». Selon ces critères, tous les produits en provenance des colonies israéliennes doivent être étiquetés car l’absence d’étiquetage est susceptible d’induire le consommateur en erreur, ou de l’amener à acheter un produit qu’il n’aurait pas acheté autrement.
Cette communication interprétative n’a pas de valeur juridique, mais vient préciser une législation existante : les règlements européens concernant l’étiquetage qui ont, eux, une portée obligatoire.
Un règlement européen n’a pas besoin d’être retranscrit dans la loi française, il est directement applicable dans chaque Etat membre de l’UE qui doit, par ses propres moyens, mettre en œuvre le règlement, dès sa date d’entrée en vigueur, expressément spécifiée dans le règlement.
Au niveau français
La France a été très active dans l’interpellation des institutions européennes afin d’obtenir un texte venant préciser la législation en matière d’étiquetage des produits des colonies.
Une fois la communication interprétative publiée, le gouvernement est néanmoins demeuré silencieux pendant plusieurs mois quant à la mise en œuvre en France de l’étiquetage, malgré les interpellations de la société civile (3) et les questions des parlementaires. Un rapport de sénateurs a été émis sur la question, contenant une proposition de résolution européenne, rejetée.
En septembre 2016, le gouvernement répond et s’engage à appliquer la législation européenne. Le 24 novembre 2016, un avis est publié à destination des opérateurs économiques sur la question de l’étiquetage différencié.
Qui doit étiqueter ?
En principe, l’exportateur doit étiqueter ses produits.
Un exportateur agréé délivre une déclaration d’origine. Un contrôle a posteriori peut être effectué par l’importateur, par sondage ou en cas de doutes fondés. Dans ce cas, le produit peut être renvoyé aux autorités douanières d’exportation (en l’espèce les autorités douanières israéliennes) à qui l’on peut demander de mener une enquête pour lever le doute.
Mais si cela n’est pas fait correctement alors l’importateur et l’opérateur qui commercialise le produit demeurent responsables de l’étiquetage correct des produits commercialisés sur son territoire.
L’Etat d’importation reste néanmoins l’entité responsable en dernier ressort. La Commission européenne l’a précisé en 2015, il incombe aux Etats membres d’appliquer la législation européenne sur l’étiquetage des produits des colonies.
Qui contrôle ?
Au niveau gouvernemental français, c’est le ministère de l’Economie, de l’industrie et du numérique qui est chargé de sa mise en œuvre.
Au sein du ministère, c’est la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) qui doit contrôler les produits importés en France et vérifier que leur indication d’origine est correcte.
Elle s’appuie sur des services départementaux : les directions départementales de la protection des populations (DDPP) et les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), qui ont reçu des instructions sur l’application de la communication interprétative du 11 novembre 2015.
C’est dans ce cadre que le ministère de l’Economie (à travers la DGCCRF) a communiqué le 24 novembre 2016 son avis aux opérateurs de la distribution sur la marche à suivre pour étiqueter les produits des colonies. Il se borne néanmoins à mentionner les produits alimentaires et ne fait aucune référence à un contrôle ou des sanctions en cas de non application de l’étiquetage.
La communication européenne précise : « Les informations sur l’origine des produits sont souvent à la disposition des opérateurs économiques sous différentes formes. Dans de nombreux cas, elles figurent dans les documents douaniers. Si les produits bénéficient d’un traitement préférentiel à l’importation, ils sont en principe accompagnés par une preuve de l’origine préférentielle délivrée par Israël ou par les autorités palestiniennes. D’autres documents tels que factures, bons de livraison et documents de transport peuvent indiquer l’origine des produits. » Les factures sont notamment obligatoires.
Les codes postaux des lieux de production peuvent notamment permettre de savoir s’ils proviennent de colonies israéliennes. Voir la liste des codes postaux des colonies publiée par la commission européenne (actualisée le 1er juin 2015).
• Produits agricoles : les dattes, olives, figues, agrumes, melons, goyaves, pastèques, vignes, poivrons, concombres, oignons, herbes aromatiques, tomates-cerise, aubergines et les patates douces sont les principaux produits cultivés par les colons dans la vallée du Jourdain. La quasi-totalité des grenades, 22 % des amandes, 13 % des olives exportées vers l’Europe sont cultivées dans les colonies agricoles situées entre Qalqilya et Tulkarem et entre Jénine et Qabatiya. Presque tous les kiwis israéliens proviennent du plateau du Golan.
• Vins : notamment Yarden, Gamla (de la Golan Heights Winery, étiquetés « made in Israel » alors qu’ils sont produits sur le plateau du Golan dans la colonie de Katzrin).
• Cosmétiques (à noter que les nouveaux propriétaires de la marque Ahava ont promis de déménager l’entreprise en territoire israélien)
Sources : Les liens entre la Belgique et l’occupation israélienne, Katarzyna Lemanska, août 2014
– Ecrire à la DDPP de mon département précisant le nom du produit incriminé, la marque, le lieu de vente et la date du constat et en joignant des photos où l’étiquette d’origine est lisible => voir le modèle de lettre de l’AFPS
=> Trouver l’adresse de ma DDPP
– envoyer une copie de la lettre à la direction du magasin => voir le modèle de lettre de l’AFPS
– envoyer un compte rendu précis de l’action en joignant lettres et photos à communication2[at]plateforme-palestine[.]org
Ces interpellations sont indispensables pour que les services administratifs se saisissent réellement de la question et contrôlent les produits.
Exemple d’étiquetage qui ne respecte pas la législation en vigueur
La Grande-Bretagne a été pionnière dans l’émission de conseils aux détaillants pour étiqueter les produits en provenance des colonies israéliennes en publiant un avis en 2009 (sur le site du Department for Environment, Food and Rural Affairs, qui serait l’équivalent du ministère de l’agriculture en France). Une ligne d’assistance téléphonique du HMRC (Her Majesty’s Revenue and Customs – agence des douanes et de collection des taxes) a notamment été mise en place afin d’aider les importateurs à déterminer si le lieu déclaré de l’origine des produits est localisé dans une colonie.
L’effet a été que la plupart des grands supermarchés, dont Marks & Spencer, ont préféré ne plus vendre des produits des colonies que d’étiqueter « Made in settlements ». Les organisations suspectent que certains produits saisonniers soient encore importés des colonies et étiquetés « Made in Israel ».
A la suite de la Grande-Bretagne, les Pays-Bas ont publié, par l’intermédiaire du Ministère des Affaires économiques, leur propre directive en 2013. Le gouvernement a clairement pris position en faveur de l’étiquetage différencié, mais selon les organisations néerlandaises, il n’est pas encore appliqué aux Pays-Bas.
Même chose en Belgique, où le gouvernement a édicté un avis aux détaillants concernant l’étiquetage d’origine des produits en provenance des territoires occupés par Israël en 2014.
L’Etat français et l’UE doivent prendre des mesures plus fortes en cohérence avec leurs déclarations sur l’illégalité des colonies. En effet, le commerce avec ces dernières renforce leur viabilité et est un obstacle majeur au développement de l’économie palestinienne (voir la campagne Made in illegality).
Un premier pas a déjà été fait par l’Union européenne avec l’interdiction d’importer des produits d’origine animale issus des colonies, y compris des volailles, des œufs et des produits laitiers. Il doit être généralisé à toutes les productions des colonies.
Au regard de leurs obligations internationales en matière de droits de l’Homme (4), l’UE et ses États membres doivent donc interdire l’importation des produits des colonies sur leur territoire.
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(1) Pour plus de précisions, voir la « Communication interprétative relative à l’indication de l’origine des marchandises issues des territoires occupés par Israël depuis juin 1967 » (2015/C375/05), note 6.
(2) Par exemple les produits alimentaires, le vin, l’huile d’olive (voir la note de bas de page 6 de la communication interprétative)
(3) Plusieurs courriers ont été envoyés aux ministères de l’Economie, de l’industrie et du numérique et au ministère des Affaires étrangères, voir ceux de la Plateforme : http://plateforme-palestine.org/-Le...
(4) La Quatrième Convention de Genève et l’avis consultatif de la CIJ sur le mur de séparation de 2004 interdisent la colonisation et font obligation de « ne pas prêter aide ou assistance » au maintien de cette situation illégale.
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