La vallée du Jourdain représente quasiment 30 % du territoire de la Cisjordanie. Près de 65 000 Palestiniens y vivent dans 34 communautés.
Environ 13 000 colons israéliens sont installés dans 38 colonies, qui se concentrent sur les terres les plus fertiles. Dès 1968 une chaine de colonies et de bases de l’armée a été implantée par le gouvernement israélien, pour lequel cette zone proche de la Jordanie avait une importance stratégique. Les colonies plus récentes sont habitées de colons intégristes et plutôt installées sur les hauteurs. Le contrôle total de cette vallée est dans le programme de tous les partis de gouvernement israéliens, certains allant jusqu’à vouloir officialiser l’annexion et en expulser tous les Palestiniens.
Les habitants palestiniens de la Vallée du Jourdain subissent la confiscation de leurs terres, la démolition de leurs habitations ainsi que des déplacements forcés en violation du droit international et du droit à l’autodétermination des Palestiniens.
Une annexion silencieuse
Quasiment 90 % du territoire de la vallée du Jourdain est contrôlé par la puissance occupante israélienne. Il s’agit de la zone C – sous contrôle totale d’Israël pour la sécurité et l’administration – qui correspond à 60% de la Cisjordanie. Les 10 % du territoire restant sont en zone A (ville et secteur de Jéricho) et B, mais les villages sont coupés les uns des autres car entourés par la zone C.
En 2017, selon l’ONG israélienne B’Tselem, 50 % de la vallée était déclarée comme terres « appartenant à l’Etat d’Israël », 46 % était réservée à l’usage militaire, et environ 20 % était déclarée comme réserves naturelles.
Agriculture
La vallée du Jourdain est la région la plus fertile de Palestine. En 2017, l’ONG Human Rights Watch indiquait que 86 % des terres agricoles ont été confisquées par les forces d’occupation israéliennes au bénéfice des colons installée dans la vallée. Le climat permet aux paysans d’effectuer trois à quatre récoltes par an à condition d’avoir accès à l’eau, abondante dans le sous-sol.
L’accès pour les Palestiniens à ces zones d’agriculture est également limité par le harcèlement, l’intimidation et la violences systématiques des colons, limitant considérablement les bénéfices économiques qu’ils peuvent en tirer. L’objectif est de leur rendre la vie insupportable pour les pousser à partir ou à travailler dans les colonies pour nourrir leurs familles. Cette main d’œuvre captive construit les colonies, les routes, récolte les fruits et légumes… Des emplois souvent précaires, dangereux, sans couverture sociale et mal payés, sous l’ordre de colons qui les ont expulsés de leurs terres.
En outre, les agriculteurs souffrent d’un manque d’accès à l’eau. Le Jourdain, dont le débit est très faible et l’eau inutilisable car fortement salée n’est pas accessible aux Palestiniens. En 1967 Israël a confisqué la majorité des points d’eau centralisés par l’entreprise israélienne Mekorot qui la redistribue en priorité aux colons. Les puits sont souvent à sec du fait des pompages israéliens massifs et sans limite de profondeur, contrairement à ce qui est imposé aux Palestiniens. Les paysans qui arrivent à survivre abandonnent les cultures d’agrumes et de bananes qui nécessitent beaucoup d’eau et se tournent vers la culture de palmiers dattiers. En 2021, 33 % des Palestiniens de la vallée du Jourdain avaient accès à moins de 50 litres d’eau par jour et par personne pour tous leurs besoins (agriculture comprise). 38 % disposaient d’entre 50 et 75 litres d’eau par jour, et 29 % à plus de 75 litres. Ces chiffres sont bien en dessous du minimum de 100 litres par jour et par personne définis par l’Organisation mondiale de la Santé et des 300 à 400 litres utilisés chaque jour par chaque colon israélien.
En raison des restrictions d’accès, des confiscations, mais aussi la médiocrité des infrastructures, le prix moyen de l’eau pour les Palestiniens de la vallée du Jourdain est supérieur à son prix dans le reste de la Cisjordanie. Il peut atteindre huit fois le prix moyen constaté dans le reste de la Cisjordanie.
Santé
Les installations sanitaires dans les communautés palestiniennes de la vallée du Jourdain ne sont pas aux normes minimales imposées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en matière d’hygiène, d’intimité et de dignité. Pour plus de 95 % des communautés palestiniennes, les services d’assainissement ne sont pas présents ou correctement raccordés, et de nombreuses familles n’ont pas accès à des latrines - mobiles ou fixes, internes ou externes - fonctionnelles.
Démolitions et déplacements forcés
L’espace dont disposent les Palestiniens de la vallée du Jourdain est très réduit, et la construction en zone C est conditionnée à l’obtention de permis quasiment systématiquement refusés. Ces restrictions les obligent à construire sans le permis nécessaire, malgré les risques permanents de démolitions.
Entre janvier 2006 et septembre 2017 l’ONG israélienne B’Tselem a dénombré au moins 698 logements palestiniens démolis dans la vallée du Jourdain. Ces structures abritaient au moins 2 948 Palestiniens, dont au moins 1 334 mineurs. Par ailleurs, 783 de ces Palestiniens ont vu leur habitation démolie au moins deux fois. Les autorités d’occupation ne démolissent pas seulement des logements, mais également des constructions non-résidentielles, y compris des structures agricoles telles que des bergeries ou des citernes. B’Tselem en dénombre au moins 806 pour la même période. Rien que dans le nord de la vallée 40 000 palestiniens ont été « déplacées ».
Selon l’ONG palestinienne Al-Haq, cet aspect fait entièrement partie de politiques israéliennes de démolitions des structures palestiniennes en zone C, clairement affichées par le gouvernement.
Au 31 mars 2021, les communautés de la vallée du Jourdain ont connu une augmentation de plus de 400 % des démolitions et des confiscations par rapport au premier trimestre de 2020.
En janvier 2022, l’armée israélienne a envahi à l’aide de douzaines de blindés et bulldozers les terres agricoles de Khirbet Ibziq afin de les rendre inaccessibles et non-cultivables. Puis, en février, 2022, elle a expulsé sept familles dans le nord de la vallée du Jourdain. Dans ces deux cas, les justifications avancés ont été des « exercices militaires ».
Les écoles ne sont pas épargnées par les démolitions : en octobre 2021, l’école Al-Maleh a été attaquée et deux classes ont été démolies, alors même que l’école avait fini d’être construite fin 2020, dans le cadre de la campagne pour le droit à l’éducation.
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