L’ONG Human Rights Watch publie un rapport en anglais intitulé « Occupation, Inc. : How Settlement Businesses Contribute to Israel’s Violations of Palestinian Rights », qui documente la manière dont les entreprises exerçant des activités dans les colonies israéliennes facilitent leur croissance et leur fonctionnement, et contribuent à de nombreuses violations des droits des Palestiniens.
(Jérusalem, le 19 janvier 2016) – Les entreprises devraient cesser leurs activités dans les colonies israéliennes et cesser de financer ces colonies, de commercer avec elles ou de leur fournir des services, afin de remplir leurs responsabilités relatives aux droits humains, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Ces activités contribuent à un système en soi illégal, abusif et caractérisé par des violations des droits des Palestiniens, et en tirent profit.
Le rapport de 162 pages, intitulé “Occupation, Inc. : How Settlement Businesses Contribute to Israel’s Violations of Palestinian Rights” (« Occupation, Inc : Comment les entreprises opérant dans ou avec les colonies israéliennes contribuent à violer les droits des Palestiniens »), documente la manière dont les entreprises exerçant des activités dans les colonies facilitent leur croissance et leur fonctionnement. Ces entreprises dépendent de la confiscation illégale par l’État d’Israël de terres et d’autres ressources appartenant aux Palestiniens, et contribuent à cette pratique tout en bénéficiant. De même, elles bénéficient de la politique discriminatoire menée par Israël, qui confère des privilèges aux colonies aux dépens des Palestiniens, notamment en termes d’accès à l’eau et à aux terrains, aux subventions du gouvernement et aux permis de développement.
« Les activités des entreprises opérant dans et avec les colonies contribuent inévitablement à des politiques qui dépouillent les Palestiniens et multiplient de graves discriminations à leur encontre, tout en permettant à ces entreprises de tirer profit des terres et d’autres ressources appartenant aux Palestiniens et confisquées par Israël », a déclaré Arvind Ganesan, directeur de la division Entreprises et droits humains à Human Rights Watch. « La seule façon pour les entreprises de remplir leurs responsabilités relatives aux droits humains est de cesser de travailler dans ou avec les colonies israéliennes. »
Plus d’un demi-million de colons israéliens vivent dans 237 colonies en Cisjordanie, territoire occupé par Israël, y compris à Jérusalem-Est. Les gouvernements israéliens successifs ont facilité ce phénomène, mais des entreprises jouent également un rôle déterminant dans l’établissement, l’expansion et le fonctionnement des colonies.
En vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, les entreprises sont tenues de respecter les droits humains, identifier toute incidence négative de leurs activités sur l’exercice de ces droits et en atténuer les effets. Toutefois, a déclaré Human Rights Watch, en raison de la nature des colonies, illégales en soi en vertu des Conventions de Genève, il est impossible pour les entreprises d’atténuer leur contribution aux violations des droits humains commises par Israël aussi longtemps qu’elles opèrent dans ces colonies, ou entretiennent des transactions commerciales avec elles.
Ces entreprises mènent diverses activités qui soutiennent les colonies. Certaines sont directement impliquées dans la gestion des besoins pratiques des colons et des colonies. Ainsi, Human Rights Watch a enquêté sur des banques israéliennes qui financent la construction de colonies ; sur un réseau immobilier qui dispose d’une succursale dans les colonies et dont les partenaires franchisés en Israël vendent des propriétés situées dans les territoires occupés ; et enfin une entreprise de traitement des déchets, opérant uniquement en Israël et dans les territoires occupés, qui collecte et traite les déchets de colonies et les enterre dans la Vallée du Jourdain.
D’autres entreprises sont situées dans des colonies de peuplement ou dans des zones industrialisées au sein des territoires occupés, souvent attirées là par les bas salaires perçus par les travailleurs palestiniens, les loyers peu élevés et les avantages fiscaux. Human Rights Watch a enquêté sur un fabriquant de textiles qui est installé dans une zone industrielle colonisée et qui est le fournisseur d’un grand distributeur américain. Ce fabriquant s’est installé en Israël en octobre 2015. En tout, une vingtaine de zones industrielles colonisées abritent environ un millier d’usines. Dans le secteur de l’agriculture, plus de 9 300 hectares de terres palestiniennes sont cultivées ou dirigées par des colons israéliens. La plupart de ces produits industriels et agricoles sont exportés, souvent sous le label fallacieux « made in Israël ».
Ces deux types d’entreprises facilitent les violations du droit international humanitaire commises par Israël. La Quatrième Convention de Genève interdit à toute puissance occupante le transfert de sa population civile vers un territoire occupé. Aux termes du Statut de Rome, traité fondateur de la Cour pénale internationale, ce type de transfert de population, direct ou indirect, constitue un crime de guerre.
Human Rights Watch ne prend pas position au sujet d’un boycott par les consommateurs visant les entreprises opérant dans les colonies, ni au sujet du mouvement appelant au boycott, au désinvestissement et à des sanctions visant Israël. Plus précisément, Human Rights Watch appelle ces entreprises à respecter leurs propres obligations relatives aux droits humains en mettant fin à leurs activités dans les colonies, ou liées à celles-ci.
Les autres pays devraient s’assurer que l’importation sur leur territoire de produits en provenance des colonies soit conforme à leur devoir, en vertu du droit international, de refuser de reconnaître la souveraineté d’Israël sur les territoires occupés, a déclaré Human Rights Watch. Cela implique d’interdire que ces produits soient étiquetés comme fabriqués en Israël, de les exclure des tarifs préférentiels accordés aux produits israéliens, et de refuser de reconnaître toute certification (par exemple comme produit biologique) délivrée par Israël à des produits en provenance des colonies.
De plus, les entreprises entretenant des transactions commerciales avec les colonies contribuent à la confiscation par Israël de vastes terres situées en Cisjordanie, et leur attribution à des colonies. Cette pratique contrevient à l’interdiction faite à la puissance occupante, en vertu du droit international humanitaire, d’utiliser les ressources naturelles du territoire occupé pour son propre intérêt. Certaines de ces terres sont la propriété privée de Palestiniens, ce qui viole encore une interdiction supplémentaire en vertu du droit international humanitaire. De plus, à proximité des colonies, les forces militaires israéliennes restreignent sévèrement l’accès de nombreux propriétaires palestiniens à leurs propres terres agricoles.
« Les entreprises devraient rendre compte du fait que leur utilisation de la terre, de l’eau, des minerais et des autres ressources naturelles dans les colonies est illégale, et se fait au détriment profond des Palestiniens », a ajouté Arvind Ganesan. « Mais le vent commence à tourner et un nombre croissant d’entreprises réalisent que c’est une faute de tirer des bénéfices de colonies illégales. »
Le transfert illégal de terres palestiniennes à des colonies israéliennes, de même que les restrictions imposées à des Palestiniens ne constituent qu’un aspect d’un système discriminatoire plus vaste qui bénéficie aux entreprises des colonies, tout en ayant un effet dévastateur sur l’économie palestinienne, ainsi que l’a constaté Human Rights Watch. Le vaste système discriminatoire lié aux colonies, et les multiples façons dont il fait du tort aux Palestiniens et les force à quitter leur pays, est décrit dans un rapport de 2010, « Separate and Unequal » (« Séparés et inégaux »).
Israël interdit pratiquement aux Palestiniens de construire ou d’extraire des ressources naturelles dans la Zone C, placée sous son contrôle administratif. Entre 2000 et 2012, l’administration militaire israélienne a refusé 94 % des demandes de permis de construire déposées par des Palestiniens. En 2014, elle ne leur a accordé qu’un seul permis de construire. Human Rights Watch a enquêté sur l’une des carrières situées dans cette zone, propriété d’un conglomérat européen. L’administration israélienne n’a accordé aucun nouveau permis d’exploitation de carrière à une compagnie palestinienne depuis 1994, d’après le Syndicat palestinien de la pierre et du marbre, une organisation indépendante représentant plus de 500 entreprises palestiniennes.
« Chaque dollar provenant de l’extraction et revente d’une pierre de Cisjordanie représente un dollar pris aux Palestiniens », a insisté Arvind Ganesan. « Aucune entreprise ne devrait pouvoir tirer profit d’une terre ou de ressources illégalement confisqués aux Palestiniens. »
En 2013, la Banque mondiale a estimé que les restrictions imposées par Israël dans la zone C ont coûté 3,4 milliards de dollars US par an aux Palestiniens, soit un tiers du produit national brut palestinien. Les entreprises actives dans les colonies contribuent à des politiques illégales et discriminatoires, qui ne laissent d’autre choix aux Palestiniens que de travailler en Israël ou dans les colonies.
En outre, le système n’offre que peu de protections aux Palestiniens employés dans les colonies. Les fonctionnaires du gouvernement israélien reconnaissent qu’ils ne supervisent pratiquement pas les conditions de travail des travailleurs palestiniens, en raison de leur statut ambigu aux termes du droit israélien. Cette situation rend les travailleurs palestiniens particulièrement exposés au risque de violations de leurs droits. En 2007, la Cour suprême d’Israël a jugé que le système juridique parallèle en vigueur dans les colonies, avec application du droit civil aux colons mais application du droit militaire aux Palestiniens, est discriminatoire. Malheureusement, le gouvernement n’a toujours pas appliqué cette décision. Le droit militaire comprend quelques protections sociales, comme un salaire minimum, mais, depuis 2006, c’est le gouvernement civil qui est censé s’assurer de leur application.
« Les entreprises opérant dans les colonies contribuent à ancrer dans la pratique des politiques discriminatoires qui favorisent les colons aux dépens des Palestiniens dans la Zone C, alors que les colons ne devraient même pas y être présents », a conclu Arvind Ganesan. « Les entreprises qui prétendent aider les Palestiniens en leur offrant des emplois rémunérés par un salaire minimum avec peu de protections sociales ajoutent l’insulte à l’injure. »
Human Rights Watch a également publié un document de questions et réponses sur ses recherches.
Source : https://www.hrw.org/fr/news/2016/01...
Pour en savoir plus sur la campagne de la Plateforme Palestine « Made in Illegality », qui vise à l’arrêt des relations économiques de la France avec les colonies israéliennes, cliquez ici.
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