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Coronavirus à Gaza : « C’est plus difficile quand le danger est invisible »

9 avril 2020

Comme toute la Bande de Gaza, l’association Culture et Pensée Libre guette les premiers signes de propagation de la pandémie de Covid-19. Elle a bouleversé les programmes qu’elle offre à un public d’enfants, d’adolescents de femmes, dans le domaine de la culture, de l’éducation et de la santé.



« Quand une bombe est larguée sur le territoire, on sait dans quelle zone elle est tombée. Ce virus, c’est un danger que nous ne voyons pas », décrit Majeda al-Saqqa, la responsable de Culture et Pensée Libre, jointe par téléphone.

Les cinq centres de l’association, quatre à destination des jeunes et un pour les femmes, sont situés dans des zones particulièrement défavorisées, à Khan Younes et dans le camp de réfugiés d’al-Bourej.

Vaille que vaille, l’association s’adapte, trouve des solutions, maintient les liens, offre des activités, conseille. Bref, elle continue à travailler.

Les journées sont encore plus longues que d’habitude, explique Majeda : «  au bureau, on ferme la porte et on a fini sa journée. Mais quand on travaille depuis chez soi, on est sollicitées sans arrêt. »

« Au départ, fin février, nous avons fermé nos centres au public et maintenu nos bureaux ouverts. Nous avons désinfecté les locaux et décidé d’accueillir de petits groupes. Mais nous avons réalisé que ce n’était pas tenable : trop de femmes et d’enfants venaient », raconte-t-elle.

Pour l’instant, au 2 avril, l’épidémie est circonscrite. Les premiers cas de Covid-19 ont été annoncés le 15 mars par le ministère de la Santé  : deux hommes qui rentraient du Pakistan, via le point de passage de Rafah avec l’Égypte. Ils ont immédiatement été mis en quarantaine.

Au 30 mars, selon les Nations unies, dix cas étaient confirmés, tous arrivant de l’étranger. 1 586 personnes étaient en quarantaine imposée, plus 1 205 en quarantaine volontaire.

L’association est passée au tout Internet. Dans une Bande de Gaza sous siège depuis près de 15 ans, l’immense majorité des habitants a accès à Internet.

Mais Culture et Pensée Libre a dû faire preuve d’imagination : à la fois pour inventer, puis proposer des activités à faire seul et non en groupe, destinées à des enfants confinés dans des maisons souvent exigües et surpeuplées. « Nous avons demandé à tout notre public de participer, et ça a extrêmement bien marché ! se félicite la directrice. Nous avons lancé une sorte de concours d’art plastique. Les enfants créent ce qu’ils veulent, à partir de la vidéo, du recyclage. La seule condition, c’est de le faire chez soi. On les aide, on fournit à ceux qui n’en n’ont pas, des caméras, de la papeterie, des téléphones portables. »

« Nous avons lancé une sorte de concours d’art plastique. Les enfants créent ce qu’ils veulent, à partir de la vidéo, du recyclage. La seule condition, c’est de le faire chez soi », explique la directrice de © CPL, partenaire du CCFD-Terre Solidaire

Le confinement général : une illusion

Culture et Pensée Libre travaille directement avec 400 enfants de 6 à 17 ans, contre 740 par jour avant la crise. Les équipes apprennent aux mères de famille à fabriquer des marionnettes, raconter des histoires. Avec toujours le même objectif : garder les gens confinés chez eux.

Car si les autorités ont fait fermer les cafés et restaurants, interdit les rassemblements, y compris pour les mariages et funérailles, annulé les grandes prières du vendredi dans les mosquées, elles n’ont pas décrété de confinement général.

Ce serait illusoire. La population de la Bande de Gaza atteint les deux millions de personnes et ne fait que 365 km2. Une des plus fortes densités de population au monde, avec plus de 5 000 habitants au km2.

Et à la différence de Singapour ou Monaco, c’est un territoire dont on ne sort pas, sinon très difficilement. Les autorités, en l’occurrence le Hamas, depuis 2006, n’ont pas de contrôle sur leurs « frontières  ». Depuis 2007, elles sont maintenues presque hermétiquement fermées par Israël au Nord, à l’Est et même sur le domaine maritime à l’Ouest, par l’Égypte au Sud.

Ce blocus concerne les humains et les biens, et a endommagé toutes les infrastructures, et singulièrement le réseau médical. Israël autorise l’entrée de médicaments mais interdit l’importation d’équipement médical, de pièces de rechanges et de consommables.

Les attaques militaires, qui visent parfois les hôpitaux et le personnel médical, ont encore affaibli le secteur de la santé, saturé par le nombre de blessés par les tirs des snipers israéliens pendant la Grande Marche du Retour de 2018 et 2019.

Un terrain idéal pour le virus

Aujourd’hui, la Bande de Gaza dispose de 2 500 lits hospitaliers et de… 65 respirateurs, déjà utilisés ou en mauvais état.

Rajoutez à cela une grande pauvreté, des systèmes immunitaires affaiblis, un réseau d’eau potable et d’eaux usées plus que défaillants, et vous avez un terrain idéal pour un virus aussi contagieux que le Covid-19.

« Heureusement, la population est très consciente des risques. Elle sait aussi comment se comporter pendant les situations d’urgence, constate Majeda al-Saqqa. Les gens sortent le moins possible, tout en maintenant une grande solidarité entre eux. Ici, nous appliquons autant que possible la distanciation physique, mais sûrement pas la distanciation sociale. »

Par Gwenaëlle Lenoir

Retrouvez le dossier spécial : Covid-19 : nos témoins d’une terre solidaire


Sur le site du CCFD

Les 5 centres de l’association, 4 destinés aux jeunes et 1 pour les femmes, sont situés dans des zones très défavorisées © Culture et Pensée Libre, partenaire du CCFD-Terre Solidaire




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