Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

Colonies israéliennes : les conséquences du « plan E1 » sur le terrain

19 mars 2020

En zone C de Cisjordanie et à Jérusalem-Est, l’expansion des colonies, la violence des colons, les démolitions, la confiscation de biens et les expulsions intensifient la pression sur les communautés palestiniennes les plus vulnérables, y compris les bédouins qui risquent d’être déplacés de force.
Environ un tiers des 330 000 habitants palestiniens de Jérusalem-Est pourraient être isolés de leur ville, des mesures étant proposées pour redessiner les limites municipales de Jérusalem et annexer de grands blocs de colonies, illégales en vertu du droit international.
Les équipes de Première Urgence Internationale (PUI) protègent et aident les Palestiniens affectés ou menacés de déplacement forcé en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est.



Ces dernières semaines, le gouvernement israélien a approuvé une série de constructions de colonies ainsi que des plans pour de nouvelles colonies dans le territoire palestinien occupé. En février, des plans pour près de 5 000 logements dans les colonies de Jérusalem-Est de Givat Hamatos et Har Homa ont été présentés ; une semaine plus tard, les plans pour 1 739 logements dans plusieurs colonies de Cisjordanie ont été approuvés par le ministre de la Défense. Enfin, le 25 février, le Premier ministre Netanyahu a annoncé le projet de construction de près de 3 500 logements dans la zone très controversée du plan « E1 ».

Les annonces de ces logements suivent la tendance à la construction de colonies à grande échelle, et à un rythme accéléré, en partie grâce au soutien tacite de l’administration américaine actuelle - le secrétaire d’État américain Mike Pompeo s’écartant du consensus international sur l’illégalité des colonies en déclarant en novembre dernier qu’elles ne sont « pas en soi incompatibles avec le droit international ».

Qu’est-ce que E1 ?

E1 (abréviation de « East 1 ») fait référence à la désignation par Israël d’un projet de colonisation sur une zone de 12 km2 entre Jérusalem-Est et la colonie illégale de Maale Adumim. Le plan a été initialement rédigé en 1994 sous la direction du Premier ministre Yitzhak Rabin, jusqu’au stade de la planification en 2004 sous la direction du Premier ministre Ariel Sharon, puis a été abandonné en raison de la forte opposition américaine. En 2012, le Premier ministre Benyamin Netanyahu a relancé le plan, mais celui-ci a de nouveau été contraint de le retirer en raison de l’opposition des administrations américaine et européennes, notamment de la France et du Royaume-Uni, qui menacèrent de rappeler leurs ambassadeurs.

Pourquoi E1 est-il important ?

La construction de colonies du plan E1 a rencontré une forte opposition de la communauté internationale en raison de l’emplacement stratégique de la zone concernée. S’il était mis en œuvre, le plan E1 aurait des conséquences dévastatrices pour les Palestiniens et pour la solution à deux États. En effet, sa construction complèterait une série de colonies s’étendant de Jérusalem-Est jusqu’à la frontière avec la Jordanie, créant une séparation entre les parties nord et sud de la Cisjordanie. En outre, la construction de nouvelles colonies dans cette zone spécifique isolerait géographiquement Jérusalem-Est, que les Palestiniens revendiquent comme leur capitale, du reste de la Cisjordanie.

Violation après violation

Si les colonies et le transfert de population d’une puissance occupante vers des terres occupées sont illégaux au regard du droit international, certaines colonies ont des répercussions plus graves que d’autres. Bien que le plan E1 ait des implications importantes pour la solution à deux États, il entraîne également une autre violation grave : le transfert forcé de milliers de Bédouins palestiniens vivant dans cette même région. Au début des années 90, environ 1 050 Bédouins ont été déplacés de force lorsque les autorités israéliennes ont étendu la colonie de Maale Adumim. Ayant perdu leurs revenus et leur mode de vie lorsqu’elles furent contraintes de se sédentariser, ces familles vivent maintenant dans de très mauvaises conditions à Abu Dis.

Il y a actuellement près de 8 000 bédouins palestiniens vivant dans 46 communautés situées entre Jérusalem-Est et le nord de la mer Morte. Les autorités israéliennes cherchent à les déplacer de force depuis plusieurs années. Plusieurs de ces communautés sont situées dans la zone couverte par le plan E1. Les autorités israéliennes y démolissent leurs infrastructures, y compris des écoles, panneaux solaires et cliniques financés par des bailleurs internationaux, afin de les obliger à accepter les « plans de relocalisation ». En vertu du droit international, le déplacement forcé d’une population sous occupation, y compris par des moyens coercitifs, constitue une violation grave de l’article 49 de la quatrième Convention de Genève et peut constituer un crime de guerre établi dans le Statut de Rome.

Réactions internationales

Dans le passé, l’administration américaine et l’Union européenne se sont fermement opposées au plan E1, le considérant comme une « ligne rouge » en raison de ses répercussions sur la solution à deux États. Le Conseil des affaires étrangères de l’Union Européenne a souligné en 2012 que « la construction dans cette zone mettrait en danger la possibilité d’un État palestinien contigu et a ajouté qu’il s’était déjà publiquement et fermement opposé aux plans de développement d’E1 ». De même, l’administration Obama a fait pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles ne mettent pas en œuvre le plan, décrit comme « particulièrement préjudiciable » aux efforts visant à parvenir à une solution à deux États.

Cette nouvelle proposition a cette fois-ci suscité une réponse moins ferme. Le représentant spécial de l’Union européenne, Josep Borrell, l’a condamné, déclarant que « la construction de colonies dans ces régions réduira la contiguïté géographique et territoriale entre Jérusalem-Est et la Cisjordanie. La construction dans E1 coupera la connexion entre le nord et le sud de la Cisjordanie. » Cependant, le plan n’a pas été opposé par l’administration américaine. L’absence de dissuasion de l’administration américaine et l’inefficacité des récentes condamnations européennes des plans d’expansion des colonies pourraient permettre la mise en œuvre du plan, sonnant le glas de la solution à deux États. Dans l’environnement actuel – caractérisé par un soutien américain sans précédent à la politique israélienne ; les élections en Israël ; et Netanyahu s’accrochant désespérément au pouvoir malgré son inculpation — il est urgent pour l’Union Européenne et la France d’adopter d’une position forte et claire, afin de contrer la partialité américaine et faire respecter le droit international. Si l’Union Européenne ne prend pas de mesures concrètes pour empêcher la mise en œuvre du « plan E1 », et sans aucune alternative présentée au « Deal du siècle » du président Trump, la solution à deux États est sur le point d’être remplacée par une situation d’occupation militaire permanente, d’annexion et d’Apartheid.

En territoire Palestinien occupé, le travail des équipes PUI contribue à la protection des droits des Palestiniens, les équipes mènent des projets d’amélioration des logements et d’accès aux moyens de subsistance. PUI soutient les communautés les plus vulnérables à se préparer et à répondre aux urgences.
PUI plaide également pour la défense des droits des Palestiniens au niveau local et international.
PUI codirige le groupe de travail Colonies : Pratiques et stratégies avec Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH)


Le site de Première Urgence Internationale


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