À la lumière des récents massacres de civils en Palestine occupée, les 96 organisations signataires appellent le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies à lancer d’urgence une enquête indépendante sur les violations des droits de l’Homme et du droit humanitaire international par Israël dans le territoire palestinien occupé qui se déroulent dans le contexte de la « grande marche du retour » et des manifestations de commémoration de la Nakba.
Il y a actuellement plus de sept millions de réfugiés palestiniens répartis dans le monde, dont 1,3 million de réfugiés dans la bande de Gaza. [1] Après des décennies d’expropriation, d’oppression et de violations du droit international, dont 11 ans de fermeture illégale et de blocus de la bande de Gaza, les Palestiniens de cette région et d’autres zones de la Palestine occupée se sont lancés, le 30 mars 2018, dans six semaines de manifestations, largement pacifiques. Les actions menées par les forces israéliennes en réponse aux manifestations, en particulier celles qui se déroulent dans la partie orientale de la bande de Gaza, constituent un usage excessif, aveugle et disproportionné de la force létale. Ils pourraient également être considérés comme des meurtres généralisés et délibérés, et pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Le 28 avril 2018, le Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme a déclaré que « dans le contexte d’une occupation comme à Gaza, les meurtres résultant de l’utilisation illégale de la force peuvent également constituer des exécutions volontaires, ce qui est une violation grave de la quatrième Convention de Genève »[2].
Depuis le début de ces manifestations à grande échelle, environ 111 Palestiniens ont été tués, dont 12 enfants, deux journalistes et quatre personnes avec un handicap. Au cours de la même période, environ 7 000 personnes ont été blessées, dont 1 244 enfants, 253 femmes, 42 ambulanciers paramédicaux et 60 journalistes - dont au moins 3 615 ont été touchées par un tir réel [3]. En réponse à ces manifestations, l’armée israélienne aurait intentionnellement utilisé des balles réelles dans le but de tuer et de blesser gravement des civils, comme en témoigne l’utilisation d’armes militaires à grande vitesse qui causent des blessures extrêmement graves, parfois irréversibles.
Une vidéo diffusée par un soldat israélien montre des tireurs d’élite israéliens célébrant le meurtre de Palestiniens, illustrant la culture d’impunité dont jouissent les membres des forces armées israéliennes, et encouragée par les décisions du pouvoir politique. En outre, le système judiciaire israélien a démontré qu’il était incapable et réticent à garantir l’imputabilité de crimes aussi graves selon les normes internationales.
En réponse à ces événements, le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a appelé à la mise en place d’enquêtes indépendantes [4] sur ces meurtres, tandis que le Haut Commissaire aux droits de l’Homme, Zeid Bin Ra’ad, a fait écho à cet appel en soulignant que « chaque semaine, nous constatons des cas de recours à la force léthale contre des manifestants non armés » tout en notant que « les appels des Nations unies et d’autres institutions sont apparemment restés lettre morte, car l’approche des forces de sécurité au fil des semaines ne semble pas avoir changé » [5].
Le gouvernement israélien continue d’ignorer les nombreuses recommandations des responsables de l’ONU de faire preuve de retenue dans sa réponse aux manifestations dans la bande de Gaza et ailleurs en Palestine occupée. En fait, l’armée israélienne a accru l’usage de la force contre la population civile en violation de ses obligations en vertu du droit international d’assurer le bien-être et le respect des droits fondamentaux de la population occupée sous son contrôle.
Les manifestations au cours des six derniers mois se sont intensifiées suite à l’annonce du 6 décembre 2017 par le président américain Trump de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et de la relocalisation de son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, au mépris flagrant du droit international. Lundi 14 mai 2018, la relocalisation de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem a entériné et approuvé l’annexion de Jérusalem par Israël, en violation de l’article 2 (4) de la Charte des Nations Unies sur l’interdiction de l’annexion - un principe général du droit international - et en violation des obligations d’Israël en tant que puissance occupante en vertu de l’article 47 de la quatrième Convention de Genève, qui concerne la protection de la population palestinienne occupée contre « toute mesure d’annexion par celle-ci de tout ou partie du territoire occupé ».
Les organisations soussignées se joignent aux appels à l’action lancés par le Secrétaire général des Nations unies et le Haut Commissaire aux droits de l’Homme et demandent expressément que le Conseil des droits de l’Homme établisse d’urgence une commission d’enquête en vue de :
(i) mettre en cause la responsabilité légale de ceux qui ont enfreint le droit international et le droit humanitaire, y compris leur responsabilité individuelle et de commandement, et
(ii) faciliter et accélérer les enquêtes et examens internationaux en cours.
Le Conseil des droits de l’Homme devrait également encourager la Cour pénale internationale à ouvrir d’urgence une enquête approfondie sur les crimes internationaux présumés commis par la puissance occupante.
Enfin, les organisations soussignées appellent à la fin des 51 ans d’occupation du territoire palestinien, y compris la levée immédiate de la fermeture et du blocus de la bande de Gaza. Pour reprendre les termes du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, « ça suffit ». [6]
Signataires :
Action by Christians for the Abolition of Torture (ACAT)
ActionAid International
ADDAMEER Prisoner Support and Human Rights Association
Al Mezan Center For Human Rights Rights
Aldameer Association for Human Rights
Algemene Centrale-ABVV /La Centrale Générale-FGTB
Al-Haq
ALTSEAN-Burma
Article 1 Collective
Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
Asian Legal Resource Centre (ALRC)
Association ADALA pour le droit a un process equitable (ADALA)
Association AMAL pour La Femme et le Développement
Association Belgo-Palestinienne WB
Association France Palestine Solidarité (AFPS)
BADIL – Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights
Broederlijk Delen
Buliisa Initiative for Rural Development Organisation (BIRUDO)
Bytes For All, Pakistan
Cairo Institute for Human Rights Studies
Center for Constitutional Rights (CCR)
Center for Defense of Liberties and Civil Rights – Hurryyat
Centro de Estudios Legales y Sociales – CELS
Christian Reformed Church Office of Social Justice
Civic Coalition for Palestinian Rights in Jerusalem
CIVICUS : World Alliance for Citizen Participation
CNCD-11.11.11
Coalition for Accountability and Integrity – AMAN
CODEPINK
Collectif Interuniversitaire pour la Coopération avec les Universités Palestiniennes
Comités pour le Développement et le patrimoine
Commonwealth Human Rights Initiative (CHRI)
Community Action Center – Al-Quds University
Conectas Direitos Humanos
Corporate Accountability Lab
Defence for Children International – Palestine
DefendDefenders
EuroMed Rights
European Coordination of Committees and Associations for Palestine
Fédération des Associations Marocaines en France
Filastiniyat Association
Geneeskunde voor de Derde Wereld
Gents Actieplatform Palestina (GAPP)
Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights
Human Rights Law Network, India
Immigration Developpement Democratie – France
Institut de recherche en droits humains (IRDH)
International Commission of Jurists (ICJ)
International Federation for Human Rights (FIDH)
International Service for Human Rights (ISHR)
Jerusalem Legal Aid and Human Rights Center
Kvinna till Kvinna
L’Association Marocaine des Droits Humains
L’Association Marocaine des Droits Humains
Lawyers for Palestinian Human Rights (LPHR)
Le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme – Tunisie
Medical Aid for Palestinians (MAP)
MIFTAH
MOC- Mouvement Ouvrier Chrétien
Moroccan Forum for Young Journalists (MFYJ)
Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP)
Network Movement for Justice and Development (NMJD)
New Orleans Palestinian Solidarity Committee
Norwegian People’s Aid
Odhikar
Otros Mundos AC/Chiapas, México
Palestina Solidariteit
Palestinian Bar Association
Palestinian Centre for Human Rights
Palestinian Coalition For Economic, Social and Cultural Rights.
Palestinian Journalist Syndicate
Palestinian Non-Governmental Organizations Network
Pax Christi Flanders
Pax Christi International
Platform of French NGOs for Palestine (Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine)
Ramallah Center for Human Rights Studies
REF – Réseau Euromed France
Ritimo
Sahara Observatory for Peace and Democracy for Human Rights
Society of St. Yves
Solidarité Socialiste
The Civil Commission for independence of the judiciary and rule of law (ISTIQLAL)
The Independent Commission for Human Rights (Ombudsman Office)
The Palestinian Center for Development and Media Freedoms (MADA)
The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH)
The Rights Forum
The WoMin African Alliance
ToBe Foundation for rights and Freedoms
Trócaire
US Campaign for Palestinian Rights
Vrede vzw
Women in Black (Vienna)
Women’s Centre for Legal Aid and Counseling
Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF)
Youth for sexual and reproductive rights (WAAI)
11.11.11
[1]https://www.unrwa.org/where-we-work...
[2]http://ohchr.org/EN/NewsEvents/Page...
[3] Information du Al Mezan Center for Human Rights
[4]https://www.un.org/sg/en/content/sg...
[5]http://ohchr.org/EN/NewsEvents/Page...
[6]http://ohchr.org/EN/NewsEvents/Page...
Commentaires
Texte original en anglais à lire ici : https://cihrs.org/enough-is-enough-...
Par une forte majorité, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a adopté une résolution pour créer une commission d’enquête le 18 mai 2018 ! Voir le résultat du vote.
Voici l’intervention de la France (qui n’a pas voté car elle n’est pas membre du Conseil des droits de l’Homme actuellement) :
« La France a fermement condamné les violences commises par les forces armées israéliennes contre les manifestants palestiniens à Gaza, qui ont atteint un nouveau pallier cette semaine. Elle ne peut accepter ce niveau de violence face au droit des Palestiniens de manifester pacifiquement, indépendamment du respect de la sécurité d’Israël auquel la France est attachée. Toute la lumière doit être faite sur ces événements et la France soutient la résolution soumise aujourd’hui ainsi que la demande du Secrétaire général qu’une enquête indépendante et transparente soit conduite. Elle a appelé Israël à appliquer des règles d’engagement conformes aux normes internationales. Il est urgent de recréer les conditions nécessaires à la recherche d’une solution politique au conflit. La France désapprouve, dans ce contexte, la décision des États-Unis d’ouvrir une ambassade à Jérusalem. »
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